Résumé : |
A une époque où la performance et la responsabilité individuelle sont érigées en culte, les parents dont les enfants sont placés dans le cadre d'une mesure de protection de l'enfance vivent une double disqualification : ils appartiennent majoritairement aux couches sociales défavorisées et sont considérées comme étant défaillants sur le plan éducatif. Dans ce contexte, pour comprendre comment ces parents précarisés définissent leur situation, nous avons construit selon une démarche inductive une recherche de type qualitatif auprès d'une trentaine d'entre eux. L'analyse structurale de leurs récits biographiques fait apparaître quatre façons différentes de se situer vis-à vis de cette mesure : en la dénonçant comme injuste ou comme abusive, en s'y résignant ou en l'acceptant. Si la diversité des points de vue reflète en partie les différences en termes d'intégration sociale et de trajectoire personnelle, c'est bien le degré d 'estime de soi découlant de la reconnaissance d'autrui qui, fondamentalement, donne sens à ces différents vécus. Conscients d'être plus ou moins stigmatisés, tous ces parents luttent pour préserver leur dignité. En fonction de leurs ressources et de leur histoire, leur aspiration à la reconnaissance se porte sur des sphères et à des niveaux différents. Elle a cependant une finalité unique : être reconnu digne, dans une ou plusieurs dimensions de la parentalité, d 'exercer son rôle parental. De ce point de vue, le droit d'éduquer peut être considéré aujourd'hui, notamment pour les familles précarisées, comme un des attributs essentiels de la dignité humaine.
|