Résumé : |
"A présent que la Chine a comblé son retard sur l'Occident, la question ouverte est de savoir comment elle va concevoir et conduire le dépassement qui devrait s'en suivre si elle maintient son effort à la hauteur des extraordinaires avancées accomplies en quarante ans. Certains redoutent qu'elle n'ambitionne de se hisser au rang de première puissance mondiale, provoquant une réaction hargneuse des Etats-Unis qui entendent la demeurer. La Belt and Road initiative (BRI) lancée en 2013 à l'enseigne attrayante des "nouvelles routes de la soie" est soupçonnée d'être d'abord un vaste mouvement stratégique d'enveloppement de l'Eurasie, fondement d'un futur passage de la Chine à la prépondérance mondiale. Sans doute cette interprétation pèche-t'elle par un biais regrettablement occidental consistant à toujours raisonner en termes de puissance, dans la plus pure tradition westphalienne. Tout s'ordonnerait autour d'un centre de rayonnement universel établi après élimination de ses rivaux. C'est l'idéal des Rome successives, résumé dans la devise de Louis XIV Nec pluribus impar. Mais ce n'est plus la réalité du monde composite d'aujourd'hui. La visée chinoise s'affirme en fait explicitement désormais comme chinoise, c'est-à-dire pour commencer d'inspiration chinoise et non plus occidentale. Autrement dit selon une gamme de pensée qui privilégie l'harmonie, l'équilibre dynamique des forces contraires, la multiplicité des influences. La médecine chinoise s'emploie à débloquer la circulation des humeurs plutôt qu'à éradiquer tel ou tel agent présumé adventice et pathogène. La BRI obéit à une logique de ce type : désenclaver, désengorger, faciliter la circulation et conjuguer des forces. Loin de prétendre à devenir le centre d'un unique cercle géopolitique, la Chine verrait plutôt le monde comme une ellipse dont elle serait l'un des foyers, l'autre restant à définir et pouvant être composite. L'Asie est à coup sûr une composante majeure de cet autre foyer, et il est hâtif de la croire en cours de satellisation autour de la Chine. Auprès de cette dernière plutôt qu'autour d'elle, elle participe à la recomposition du monde dont l'émergence chinoise a donné le branle. Plus lointaine et peut-être plus inerte, l'Europe est invitée à y prendre part et s'y voit entrainée, même à reculons. L'avenir du monde dépendra fortement de la manière dont tournera cette évolution." [Source : 4e de couv.]
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