Résumé : |
"Le droit administratif ne semble pas pouvoir être pensé sans les administrés. "Administré" figure en effet parmi les termes les plus employés tant dans les discours politiques ou administratifs que dans la doctrine juridique. Or, il n'en existe aucune définition. On ignore en outre s'il constitue une notion juridique, c'est-à-dire une qualification obéissant à des critères juridiques déterminés et emportant des effets de droit. L'analyse du droit positif montre que, contre toute attente, l'"administré" n'a jamais eu et n'a toujours pas d'existence en droit : il ne correspond ni à une catégorie déterminée, ni à des droits ou des obligations qui lui seraient propres. Le phénomène actuel de subjectivisation du droit administratif aurait pu constituer l'occasion idoine pour la transformation de l'administré en véritable notion juridique. La technique montre qu'il en va autrement. Cette dernière s'appuie sur d'autres catégories pour se subjectiviser. Absent du droit positif, l'administré est au contraire omniprésent dans les discours sur le droit administratif. Pour les producteurs du droit positif issus de la joute démocratique (pouvoirs législatif et exécutif), il constitue un vocable parmi d'autres dont la valeur en termes de communication est scrupuleusement sous-pesée. Mais pour les spécialistes de l'étude du droit administratif et notamment la doctrine universitaire, il remplit une fonction proprement fondatrice. Bien qu'il existe des conceptions de l'administré profondément antagonistes, l'idée même d'administré constitue un pôle structurant de la pensée majoritaire sur le droit administratif : l'"administré" correspond à l'individu qui entretient des relations avec l'"administration", et l'encadrement de ces relations constitue l'objet d'un "droit administratif" disposant de sa propre identité. Ainsi, plus qu'au monde du droit positif, l'administré se révèle appartenir aux légendes du droit administratif, tels d'autres mythes qui structurent son récit."
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