Résumé : |
Faut-il le rappeler ? Les textes ici réunis n'étaient pas destinés à la publication, et Kafka eut soin de le faire savoir à son ami Max Brod : tout ce qui se trouve dans ce que je laisse derrière moi [ ] en fait de journaux, manuscrits, lettres, écrites par d'autres ou par moi, dessins, etc., est à brûler sans restriction et sans être lu . Brod divulgua pourtant ces documents, progressivement et partiellement. Son geste passa tantôt pour une trahison, tantôt pour le signe tangible d'une fidélité vraie. Il reste, quoi qu'on en pense, que ces écrits dits intimes enrichissent la voix de Kafka et contribuent à faire d'elle l'une des plus singulières qui soient. Dans le sillage de ses romans, tous les écrits de Kafka ont peu à peu acquis un statut littéraire . D'une centaine de fiches numérotées on a fait le recueil des Aphorismes de Zürau, parfois intitulé Considérations sur le péché, la souffrance, l'espérance et la vraie voie. La Lettre au père, nouvelle description d'un combat , fut un temps promise à l'envoi postal, mais se lit aujourd'hui comme un texte autonome, et comme l'une des clés de l'œuvre : Kafka déclara plusieurs fois son intention d'en confier le manuscrit à Milena Pollak afin de lui donner accès à une compréhension plus profonde de sa difficulté à vivre et à aimer difficulté dont les lettres à Felice Bauer témoignent massivement. Ces lettres à Felice et les lettres à Milena (on a eu tôt fait de réduire ces jeunes femmes à leur prénom) ont été considérées comme de grands romans d'amour. Leur quantité, leur tonalité, la puissance des affects présidant à leur écriture les destinaient à une existence littéraire propre. Elles démontraient la violence chez Kafka du désir de vivre pour et par l'écriture, contre les vœux du père. Quant au Journal, il bénéficie d'une forte image d' œuvre pour soi .
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